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Mode & Design 2009.

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Mode & Design 2009

#Conférence

« Mode & Design 2009 » : la table-ronde qui a eu lieu à l'IFM samedi 13 juin (dans le cadre des Designers Days) a été l'occasion d'une vraie confrontation de points de vue entre "gens de la mode" et "gens du design". Les intervenants ont pris la parole devant 120 personnes dans l'amphithéâtre Yves Saint Laurent : la table-ronde, animée par Raya Ben Guiza-Verniers (IFM/Management 2008) réunissait Chantal Hamaide (Intramuros), Cédric Morisset (journaliste), Anne Bony (historienne du design), Gérard Laizé (Via), Alexandra Sénès (journaliste), Nadia Dhouib (Galeries Lafayette).

En partenariat avec les Designers Days

Brendan MacFarlane, l'architecte du bâtiment Docks en Seine, a introduit les débats en parlant d'un " moment historique" : "c'est aujourd'hui que commence la vie de ce bâtiment, après un voyage long et passionnant. Bientôt, ici, ce sera la Cité de la Mode et du Design/Docks en Seine. On lance le bateau aujourd'hui".

La discussion proprement dite a porté sur les différences d'approche, de métiers, de compétences et de « champs d'intervention » (Gérard Laizé ) des deux disciplines.

D'un côté le design, qui insiste sur la fonction et l'usage de l'objet. De l'autre la mode, qui explore le champ du désir et de l'émotion. « Il s'agit de deux disciplines siamoises, qui n'ont rien à voir mais tout à partager », selon Gérard Laizé. Le design prétend demeurer insensible à la notion de « style » pour mieux se concentrer sur les « fonctionnalités ». La table-ronde a ainsi été l'occasion de voir s'opposer le domaine de la mode (matières, coupes, couleurs, souplesse, looks...) à celui du design (matériaux, registres formels, structures plus rigides, usages fondamentaux...).

Cependant les deux disciplines se rapprochent depuis quelques années. « Le design est à la mode. Il donne la tendance, comme le faisait la haute couture » (Anne Bony). « Depuis cinq ou six ans, la mode se rapproche du design, beaucoup plus que l'inverse », selon Chantal Hamaide. « En tant qu'acheteuse, je visite aussi les salons de la maison, qui me donnent une visibilité sur les tendances et l'air du temps », a indiqué Nadia Dhouib.

Certaines marques de mode créent des déclinaisons dans l'univers de la maison, comme Armani Casa ou Zara Home. Fendi ou Prada créent des fondations où les frontières s'abolissent entre mode, design, architecture et art contemporain. Les magasins de mode ont fait appel à des architectes bien plus tôt que les magasins du design (exemple Calvin Klein/John Pawson).

Depuis fort longtemps déjà, une créatrice comme Rei Kawakubo (Comme des Garçons) dessine du mobilier et recherche les transversalités les plus larges (mode, design, photo, art contemporain, musique, architecture...). Comme Rei Kawakubo, bien des créateurs de mode travaillent le vêtement en termes de « construction/déconstruction ».

Si la mode possède une avance sur les autres secteurs industriels, c'est de maîtriser le savoir-faire de l'image de marque et la perception de l'air du temps. « Et si les marques de mode s'intéressent au design, ce n'est pas par volonté de conquête », a dit Sylvie Ebel, Directrice générale adjointe de l'IFM. Si la mode se rapproche du design, c'est peut-être pour échapper à l'image de légèreté qui est souvent associée au domaine du vêtement et de l'accessoire.

« On se sent futile et c'est pourquoi on louche sur le design », explique Alexandra Sénès, qui cite l'exemple de l'entreprise suédoise ACNE (acronyme de « Ambition to Create New Expression »), qui propose une offre élargie (cinéma, magazines, expositions...). Un danger se présente ici : celui de confondre « style » et « design ». Il ne suffit pas d'habiller un canapé avec un beau tissu pour en faire un objet de design (« un fauteuil griffé Vivienne Westwood, ce n'est ni du design ni de la mode», pour Alexandra Sénès).

Le design, pour sa part, est lui aussi attiré par la mode, même si « les gens du design ne vont pas dans les salons de mode, sauf les plus professionnels », selon Chantal Hamaide. Cependant le salon Maison & Objet a désigné Karl Lagerfeld comme parrain de son édition 2009 et la Cité de l'Architecture accueille une exposition Martin Margiela, comme l'a rappelé Alexandra Sénès. Cédric Morisset souligne que l'univers de l'ameublement utilise de plus en plus des techniques venues de la mode, comme le raccourcissement des cycles de production (Ikea et ses collections temporaires), l'utilisation événementielle de la couleur (Vitra), ou la « starification » des créateurs à la façon de la haute couture.

Le design n'est pas insensible aux méthodes de communication de la mode, lui qui était jusqu'à présent « une discipline assez peu connue en raison de ses liens avec l'industrie, avec des méthodes de fabrication longue. Sans compter qu'il s'agit d'un territoire très vague, qui va de l'automobile à la petite cuiller en passant par l'architecture intérieure et l'aménagement de lieux comme les hôpitaux et les crèches, avec une dimension sociale » (Chantal Hamaide).

La mode s'inspire donc du design pour plusieurs raisons : dans un contexte de concurrence extrême sur les prix et sur les marges, « le design permet aux marques de se différencier les unes des autres » (Nadia Dhouib). Pour certaines marques de mode, il s'agit aussi de sortir de l'univers de l'éphémère, d'entrer dans celui de la rareté, et peut-être de réfléchir à la sortie d'un modèle de « surproduction » aujourd'hui dépassé.

Le design, lui, s'inspire de la mode pour mieux communiquer, alors que le design n'a pas d'acteurs aussi puissants que les marques de mode. Plus largement, la mode et le design ont pour ambition de servir le corps humain et de proposer un art de vivre global. Pour Anne Bony, mode et design sont « très fusionnels » depuis toujours. Paul Poiret, dans les années 20, avait déjà pour ambition de créer un univers où la mode, le mobilier et les parfums correspondaient entre eux. Les exemples de rencontres et de croisements abondent, à commencer par le Bauhaus ! On peut aussi citer de nombreuses collaborations historiques comme celle de Jeanne Lanvin et Armand-Albert Rateau, Christian Lacroix et Garouste/Bonetti, ou encore Maurizio Galante, Tal Lancman et Baccarat... « Il s'agit toujours de formes, de volumes, du corps humain.... Tout se nourrit », dit Anne Bony.

L'heure est à la convergence : « nous avons tous besoin d'échanges, tous nos métiers se nourrissent de théâtre, de cinéma, de littérature etc. » (Chantal Hamaide). « Aujourd'hui, un jeune n'achète pas un pantalon mais une panoplie vestimentaire. Il se fait plaisir », comme le rappelle Gérard Laizé. « Les marques ont une volonté d'habiter totalement notre vie, du lever jusqu'au coucher » (Cédric Morisset).

De l'avis unanime des participants à la table-ronde, les deux disciplines sont vouées à se nourrir mais pas à se confondre. Et les représentants du monde du design se félicitent de voir que leur univers s'inspire de la mode pour « structurer une offre plus harmonieuse, plus chantante », sachant que de bons produits peuvent être « tués parce qu'ils sont moches » (G.Laizé).

D'où l'importance stratégique, pour les entreprises de tous secteurs, de se doter d'une vraie direction artistique pour créer de l'harmonie dans leur offre, un facteur de valeur ajoutée indispensable dans la période de « grande transformation » que nous vivons actuellement. Au-delà de cet aspect commercial, la crise peut s'avérer favorable à de profondes innovations interdisciplinaires (à la manière dont le Bauhaus a surgi après la Première guerre mondiale, selon Gérard Laizé).

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